Être H-D ou pas, c’est aussi une question de style
J’étais comblé par ma première Harley, une Softail sport glide 107 de toute beauté : non seulement elle me procurait de nouvelles sensations, je retrouvais avec elle un plaisir de piloter en sommeil depuis longtemps, mais en plus elle commençait à plaire à ma femme !
Allait-elle devenir une Harley Breizh Woman ? J’avais bon espoir, car elle y mettait du sien… à un détail près : le look. Je ne pouvais décemment pas laisser ma chérie chevaucher ce fleuron de la Fabrique sapée en motarde futuriste de manga ! La H-D, c’est un style, nom d’une pipe d’admission !
La motarde me monte au nez…
Aussi, j’use de la plus grande diplomatie pour lui faire accepter de porter mon ancien casque Jet de la marque Shark que j’ai customisé, et qui ne cacherait pas son joli minois. Au besoin, on peut y adapter une protection pour le bas du visage. D’accord, le skull qui le décore n’est pas très féminin, mais on est rock’n roll ou on ne l’est pas, quoi !… Et puisqu’on y est, le perfecto, ce serait mieux que cette combinaison de Power Ranger ! En clair, je lui prends la tête.
Ca ne la fait pas rire du tout. Elle m’envoie balader, me traite de macho de biker, comme si j’avais acheté cette mentalité avec la bécane. Mais non, ce n’est pas moi, ça ! Ca me met les nerfs. Et je ne connais rien de tel, pour se calmer, qu’un petit ride en solo au son du potatoe et à fond les manettes. Quand je reviens, elle m’accueille en perfecto et santiags, le casque Jet sous le bras… Je l’aime, cette femme déroutante !
Notre premier ride, ce sera la route du Hellfest
Je lui propose qu’on aille en Harley au HellFest. Ca fait presque un an qu’on a pris nos pass wekend pour juin. Et à cette époque-là, ma Softail n’était même pas une lueur de concupiscence dans mon regard ! A la base, nous avions prévu de faire garder la petite par ses parents et d’y aller en voiture. Car elle aime presque autant AC/DC et Judas Priest que moi, et ce sera son premier Hellfest. Un double baptême, en somme.
J’imagine déjà notre arrivée en Harley au camping du festival. La classe ! Les jours ne passent pas assez vite…
Une halte un peu chaude
Le vendredi après-midi, je prépare le barda sur la moto, j’arrime la tente, et nous voilà partis pour Clisson. C’est mon amour qui teint le guidon pour la moitié du trajet. Les 150 bornes direction plein Sud, on va se les avaler comme une gorgée de chouchen. Avec du gros son plein les écouteurs. Pour moi, « Brotherhood of Man » du regretté Lemmy Killmister des Motörhead, pour elle le Boss, Bruce Springsteen. Moins métal, mais pêchu aussi.
Aux 80 bornes, comme prévu, je lui fais signe de s’arrêter à la prochaine aire de repos. Elle obtempère. Avisant un regroupement de Harleys sur le parking derrière la station-service, elle se dirige droit dessus. Je n’ai pas le temps de lui faire comprendre que ce n’est pas une bonne idée, elle a déjà garé ma sport glide à côté des choppers et des bobbers rutilants sous le soleil. Tous les visages patibulaires des propriétaires de ces big twins customisés, des bikers chevelus et cuirassés, le genre Viking, une canette de bière à la main, se tournent vers nous. Je ne suis pas tranquille.
Je suis un Bleu et j’assume
Trois de ces gars s’avancent vers nous, tournent autour de notre monture. Tops rockers façon SAMCRO, chaînettes et bagouzes à chaque doigt, ils me toisent en ricanant. C’est pas eux qui se feraient balader par une femme !
Mon blouson Motörhead les botte, je le vois bien. Les hardbikers vénèrent Lemmy. Ma femme se blottit dans mes bras en leur souriant. Ils hochent la tête en calculant ma bécane. Un super modèle, ils en conviennent.
Ces mecs sont de vrais graisseux et ils sont cool. Ils viennent de Normandie. Eux aussi vont au Hellfest. Ils nous offrent une bière, on sent qu’il vaut mieux ne pas la refuser. Et comme c’est ma première Harley, ils m’appellent le Bleu.
Soft ou hard, le biker est toujours un biker
Petite précision au passage : dans ma bouche, le terme « graisseux », qui désigne les vrais de vrai, n’est pas péjoratif. Au contraire. J’ai le plus grand respect pour ces mecs qui ont toujours les pognes dans le cambouis, le hard rock dans le sang et la rébellion dans leur ADN. Leurs chevauchées sauvages ont forgé cette sulfureuse réputation dont la Marque de Milwaukee a su si habilement se servir. Ce sont eux qui ont fondé le mythe Harley en taillant la route sur leurs choppers. Sons of Anarchy ou pas, ils continuent de faire briller le California Dream comme les chromes de leurs machines chéries.
Mais le biker, c’est aussi un bon père de famille passionné qui rêve de faire un grand ride pour s’éclater avec d’autres mordus. Qu’il soit hard ou soft, plus loisirs que M.C.1%, le biker c’est d’abord un passionné de Harley.
Départ groupé
Ca y est, on est adoptés, tous les deux, le Bleu et la Sister. Ils tiennent à ce qu’on fasse la route avec eux jusqu’à Clisson. J’espère qu’une fois au Hellfest, ils ne vont pas nous coller aux Rangers…
Cette fois, c’est moi qui pilote. J’ai ma dignité ! Ca me fait quelque chose de rouler en groupe au milieu de toutes ces belles bécanes. Broterhood of Man…